Rares sont les organisations qui concilient adroitement une stratégie d’impact social et environnemental ambitieuse et un fort sens des affaires. C’est parce que Sistema.bio nous a semblé les réunir qu’on a voulu l’étudier. C’est également une organisation présente dans divers pays et de multiples contextes et nous voulions voir comment elle doit plus ou moins s’adapter à différentes réalités locales. Enfin, nous avions un bon contact, Cécile Pompéi, qui a vu l’entreprise grandir de l’intérieur en tant que Chief of Staff puis Chief of People, et qui nous en parlait depuis des années.

Comme Sistema.bio est présent au Kenya, nous avons eu l’occasion de passer un peu de temps avec les équipes en vente en porte à porte et installation d’unités de terrain. Nous avons également pu échanger avec les équipes du Kenya et avec 3 directrices internationales Esther Altorfer, directrice de la stratégie, Cécile Pompéi, directrice des ressources humaines et Xunaxi Cruz, directrice de la communication.

L’histoire de Sistema.bio

Sistema.bio vend à des fermiers ruraux des pays du Sud des petites unités de méthanisation qui transforment en biogaz et en engrais naturels les déjections du bétail (vaches, cochons, poulets, etc). L'entreprise a été créée au Mexique en 2010 par Alex Eaton et David Sandoval, deux jeunes professionnels issus d’un parcours scientifique qui ont travaillé sur des projets agricoles durables en Afrique et en Amérique latine.

Il y a une grande diversité de climats et d’élevages d’animaux au Mexique. Ce fut donc un laboratoire dans lequel Alex et son équipe ont pu concevoir et expérimenter une variété de systèmes différents. De plus le Mexique n’était pas un marché mature pour le biogaz il y a 10-12 ans, ils ont dû beaucoup travailler sur la sensibilisation et l’”encapacitation” (empowerement) des fermiers, la collecte de données, les financements à crédits, ce qui a rendu le modèle plus solide avant l’internationalisation.

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Le méthaniseur, ou “biodigesteur” fonctionne comme un estomac géant. C’est un dispositif qui transforme les déchets organiques en biogaz et en engrais organiques. Ce biogaz peut être utilisé comme source d'énergie propre pour la cuisine, tandis que l'engrais organique produit lors du processus peut améliorer la qualité des sols et augmenter la productivité agricole.

Preuve de l’intérêt du projet et de la qualité de l’équipe, dès 2011, Alex Eaton est nommé Fellow Ashoka au Mexique. En 2015, un partenariat “SMB program partnership (Netherlands) for better access to energy*”***, leur permet de s’exporter pour la première fois et de tester la technologie au Nicaragua et au Honduras. Progressivement l’organisation se développe à l’international, en testant plusieurs modèles de financements et de distribution.

En 2016 Sistema.bio obtient le Prix de l’Innovation sociale de la Fondation Schwab pour l'Entrepreneuriat Social. Pour financer son expansion, Sistema.bio lève 12 millions USD en 2019 puis 15,6 millions USD en 2022.

Sistema.bio aujourd’hui

Aujourd’hui, Sistema.bio est présent dans 31 pays en Amérique Latine, Asie et Afrique.

Depuis sa création Sistema.bio a vendu 75 000 unités, impactant au quotidien 450 000 utilisateurs résidents dans les fermes concernées. Cela a permis d’éviter l’émission de 715 000 tonnes de CO2, et 31 millions de m3 de déchets ont été traités.

Pour un fermier moyen, le retour sur investissement se fait en 12-13 mois, ensuite le bénéfice est net car l’usage marginal, après 1 an, du méthaniseur représente des économies directes sur le combustible de chauffage, les engrais, voire l’électricité dans certains cas.

Il y a actuellement 11 tailles différentes de systèmes, qui s’appellent des “sistemas” suivis d’un numéro. Les modèles varient en taille, pour être pertinents pour des fermes avec 3-4 vaches comme pour de plus grands élevages. Ils diffèrent aussi légèrement techniquement afin de s’adapter à une diversité de températures locales et de type d'excréments d’animaux différents. En effet, le climat et la température jouent un rôle important dans l’efficacité et le rendement du méthaniseur, d’où la pertinence des “sistemas” en zone équatoriale et tropicale.

Leur produit le plus populaire est la plus petite unité, le sistema 6, qui par exemple coûte au Kenya 100000 shillings kenyans (KES) soit 652€ (au taux de change d’octobre 2023) si acheté avec un crédit, ou 80 000 KES soit 500€ si acheté comptant. Ce modèle permet d’éviter chaque année jusqu’à 8 tonnes de CO2 émis dans l’atmosphère.

Les prix varient pour un même modèle selon différents paramètres (partenariats qui co-financent, fluctuations des taux de change nationaux, coûts de fabrication) mais en tout cas, Sistema.bio fait en sorte que le coût du crédit proposé à un fermier pour l'achat d'un sistema soit toujours inférieur de 20% aux dépenses mensuelles qu'il permet d'annuler (bois de chauffage/cuisson & engrais). Ainsi dès le premier mois, l'achat d'un sistema permet une économie financière.

L’Inde est désormais le plus grand marché de Sistema.bio et représente 90% de ses revenus en 2023. Pourquoi l’Inde est-elle un tel marché ? Il y a plusieurs décennies, il y a eu, en Inde, de larges campagnes gouvernementales de construction d’unités de méthanisation en dur, en ciment et en brique. Malheureusement au-delà de la construction, rien d’efficace n’avait été pensé pour l’entretien et la réparation et ces installations se sont abîmées avec les pluies, les déplacements des sols, etc.